NOVEMBRE
Oui, en novembre il faut retourner le sol et l’ameublir. Prendre la terre à pleine bêches, c’est une sensation aussi appétissante et gastronomique que de prendre de la nourriture à pleines louches ou à pleines cuillères. La bonne terre, comme la bonne nourriture, ne doit être ni trop grasse, ni trop lourde, ni trop froide, ni trop humide, ni trop sèche, ni trop gluante, ni trop dure, ni trop crue : elle doit être comme du pain, ou du pain d’épices, comme un gâteau, comme une pâte levée ; elle doit s’émietter mais non pas se dissoudre ; elle ne doit pas former des blocs ni des mottes, mais quand vous la retournez à pleines bêches, elle a loisir de respirer et de se répandre en petits grumeaux et en grains de gruau [...]
Oui, amender la terre. C’est quand on nous amène un jour de gel, fumant comme le bûcher d’un holocauste, qu’un tas de fumier est le plus beau. Et lorsque son fumet parvient au ciel, il chatouille là-haut l’odorat de Celui qui comprend tout et Celui-là dit : « Ah, ah, voilà un joli petit fumier. » [...]
« Tient, petite fleur, et bon appétit. A vous, Madame Herriot, je donnerai un gros tas en récompense des jolies fleurs bronzées que vous eûtes ; pour ne pas faire de jaloux, je te donnerai ce crottin ; et à toi, phlox impétueux je te ferai un lit avec cette paille grise. »
Pourquoi serrez-vous le nez, braves gens ? Trouveriez-vous que çà ne sent pas bon ?
Karel Capek, L'année du jardinier, traduit du tchèque par Joseph Gagnaire, illustré par Joseph Capek, Librairie Stock, Paris, 1936.